L'affaire Typhaine Taton : Faux enlèvement, faux accident, vrai meurtre.

Faux enlèvement, faux accident, vrai meurtre. Plongez dans l'affaire tragique de Typhaine Taton, où une histoire de disparition inquiétante a pris un tour terrifiant lorsque la vérité est sortie au grand jour. Découvrez les sombres secrets et les événements troublants qui ont secoué la France dans cette analyse émotionnelle de l'affaire Typhaine Taton.

Au mois de juin 2009, la ville de Maubeuge prépare les « folies », la foule afflue, tous se réunissent pour célébrer la fête de la musique : de grands artistes sont invités dans le but que tous passent un bon moment ; mais les événements s’apprêtent à prendre un tout autre tournant.

PRÉSENTATION DES FAITS


Le 18 juin 2009 : la disparition de Typhaine.

Le 18 juin 2009, alors que la ville nordiste est en plein préparatif pour son festival annuel, une jeune femme âgée de vingt-trois ans arrive au commissariat de Maubeuge paniquée. Elle est seule, à un détail près, elle traîne une poussette dans laquelle se situe une toute jeune fille.
Il est 16h30, et elle explique aux officiers de police que sa fille a disparu, l’enfant de cinq ans se serait volatilisé à l’angle de l’Avenue de France quelque temps avant.

Elle apprend aux policiers qu’elle est mère de trois enfants, trois filles : Apolline, le nourrisson qui est dans la poussette ; Caroline, six ans, qui est l’aînée de la fratrie ; et Typhaine, la petite fille de cinq ans qui est portée disparue. 
Comme à l’accoutumé, les officiers de police l’interrogent sur son emploi du temps. Elle déroule son après-midi : elle serait allée faire des démarches à la caisse d’allocation familiale avant de repasser en centre-ville pour faire des achats, elle explique avoir eu besoin de chaussures. 
Elle clôt son emploi du temps par la perte de sa fille, suivie de sa recherche, seule, pendant presque une demi-heure. 
Ne sachant pas quoi faire, elle appelle son compagnon, Nicolas Willot, est âgé de vingt-quatre ans au moment des faits. Il est pompier volontaire dans la commune d’Aulnoye-Aymeries, là où réside le couple. Il lui aurait conseillé de se rendre au commissariat pour déclarer la disparition de la fillette. 

Immédiatement, les policiers prennent l’affaire au sérieux et, après une description rapide, se mette à chercher l’enfant. Il cherche une fille, de cinq ans, mesurant environ 1m10 et portant sur elle un t-shirt à l’effigie de Dora l’exploratrice. La déposition de la mère est prise au sérieux par les officiers qui transmettent le signalement à tous les services de police en France et en Belgique. 
Le père de Typhaine, François Taton, est prévenu par Anne-Sophie à ce moment-là. Il accourt, accompagné de sa mère, à Maubeuge afin de chercher l’enfant prétendument disparu. 


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La famille et la police vont immédiatement reprendre les recherches au sein de la ville de Maubeuge, ainsi qu’à la gare SNCF située dans la commune afin de s’assurer que la petite fille ne serait pas partie en train. Un dispositif de recherche important est déployé, tous cherchent la petite fille de cinq ans et distribuent des tracts avec sa photo et sa description. 
Les dépositions d’Anne-Sophie Faucheur vont être corroborées par deux témoignages : une jeune fille dit avoir croisé une enfant qui semblerait correspondre à l’annonce ; puis une employée de la caisse familiale affirme que la jeune femme était en compagnie de deux enfants : un nourrisson et une jeune enfant.  

Le 19 juin 2009 : le lendemain de la disparition

Il est notoire que plus le temps passe, plus les chances de retrouver vivante une personne disparue réduisent. C’est exactement cela qui trotte dans la tête des parents de la petite Typhaine le lendemain de la disparition. Les policiers sont conscients que, dans les cas de disparition d’enfant, l’enquête est une véritable course contre la montre ; et, dans le but de donner à l’enquête plus de chance d’aboutir, la police nationale saisit la police judiciaire ce jour. 

La piste privilégiée au départ est l'accident, en effet, la disparition de l'enfant déclarée par la mère s'est produite à l'angle d'une rue non loin de la Sambre : l'hypothèse de départ est de se dire que la fillette serait tombée et se serait noyée dans le canal. Le dispositif de recherche est amélioré, des pompiers et des chiens pisteurs sont déployés pour faire le tour de la Sambre et chercher l'enfant. C'est un échec, Typhaine ne semble pas être dans la Sambre.

Au journal télévisé du soir, Claire Chazal annonce sur TF1 la disparition de l'enfant en diffusant la photo de Typhaine Taton

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Le 24 juin 2009 : la conférence de presse. 

Ce jour-là, Anne-Sophie et Nicolas vont donner une conférence de presse dans laquelle ils vont affirmer être persuadés que la jeune fille est toujours vivante et supplier le potentiel auteur de l’enlèvement de leur ramener Typhaine.

À l’écran, le couple semble suspect pour la plupart des gens. En effet, la mère de la fillette ne laisse transparaître aucune émotion, et semble réciter son discours comme si c’était une poésie : c’est aussi l’impression des journalistes qui laissent entendre que cette prise de parole est travaillée et simplement récitée.

Quant à lui, Nicolas pleure à chaudes larmes la disparition de l’enfant, l’étonnement est général puisqu’il ne connaissait la petite fille que depuis quelques semaines, beaucoup pensent qu’il a quelque chose à se reprocher.

Le père de Typhaine est en retrait de cette histoire et ne participe pas à cette conférence de presse, beaucoup voit cela comme un aveu et imagine François enlevant et tuant son enfant.

Le 29 juin 2009 : l'abandon de la piste de la noyade. 

Joël Specque explique dans une récente interview que, par expérience, les officiers de police judiciaire savent qu’après quelques jours les corps noyés ou jetés dans l’eau remontent à la surface. La piste de l’accident est donc écartée puisque huit jours après la disparition de Typhaine son corps aurait dû réapparaître, or ce n’est pas le cas. Il reste, selon les enquêteurs deux pistes majeures dans cette affaire.

La piste du kidnapping

La piste de l’enlèvement est, bien sûr, envisagée dans cette affaire. La ville de Maubeuge est dans le secteur où sévissaient Michel Fourniret et Marc Dutroux, et si tous deux sont derrière les barreaux à cette époque, de mauvais souvenir et des craintes semblent envahir l’opinion publique et les enquêteurs.

La police judiciaire de Lille prend donc la décision de mettre en place une très grosse cellule d’enquête : tous les détraqués sexuels du secteur, au sens large, sont recensés. Après de nombreuses auditions, il s’avère qu’ils n’ont rien à voir dans les faits en cause.

Et puis, par principe, les policiers pratiquent des enquêtes de voisinage à Aulnoye-Aymeries, et plus particulièrement aux alentours du domicile de la petite Typhaine afin d’avoir de potentiels indices.

La piste familiale

De ces enquêtes de voisinage ressort un fait intrigant, la plupart des voisins et amis du couple disent connaître principalement deux enfants, Caroline (l’aînée) et Apolline (le nourrisson) ; certains sont même surpris et apprennent l’existence d’une troisième fille dans le domicile, c’est le cas du meilleur ami de Nicolas qui était pourtant invité régulièrement au domicile du couple. Ils prétendent ne jamais l’avoir vu, ni entendu comme si elle n’existait pas.

Il faut avouer que cette famille est un peu particulière, la mère de Typhaine et son père ont des rapports très conflictuels. Caroline naît en 2003 alors que le couple était encore jeune, et Typhaine est arrivée tout de suite après, le 6 avril 2004, mais n’était pas désirée.
François, le père des filles, explique qu’Anne-Sophie était à l’époque une mère formidable pour Caroline et il pensait que ce serait pareil pour Typhaine. Pourtant, non, Anne-Sophie ne se serait jamais comportée comme une maman pour la petite Typhaine.

Lorsque Typhaine est âgée de six mois, sa mère décide de quitter le domicile conjugal, emportant Caroline avec elle, abandonnant Typhaine à son père.
Alors, le père de l’enfant décide de repartir vivre chez sa mère, avec sa fille, pour que cette dernière ne manque de rien. La petite fille semblait heureuse et épanouie, elle était énormément gâtée par sa grand-mère, son père et sa compagne.

Jusqu’au 22 janvier 2009, pendant presque quatre ans, Typhaine ne verra pas Anne-Sophie excepté lors de rares visites consenties par François : pour la jeune fille, la femme qui l’avait mise au monde était une inconnue qu’elle nommait « Madame ».
Six mois avant la disparition, Anne-Sophie se rend l'école maternelle Florian de Faches-Thumesnil où Typhaine était scolarisée en classe de grande section. Elle avait monté une machination, avec la complicité de Nicolas Willot, ils font croire à une hospitalisation du père de l’enfant afin que la maîtresse ne pose pas de question.

À la connaissance de ces informations, les enquêteurs placent Anne-Sophie faucheur et son concubin en garde à vue. Cette dernière fait savoir qu’elle est persuadée que sa fille a été la victime d’un enlèvement, un enlèvement intrafamilial dont le père serait responsable d’une manière ou d’une autre.

Les enquêteurs, soucieux de bien faire, ne peuvent pas laisser une piste s’échapper et prennent donc la décision de perquisitionner le domicile de la grand-mère de Typhaine, qui est aussi le lieu de résidence de François Taton. Rapidement, les officiers de police s’aperçoivent que la maison est dédiée dans son entièreté à Typhaine : une quantité de photos de la petite fille absolument gigantesque, la plus grande chambre de la maison réservée pour l’enfant avec une impressionnante quantité de jouet et enfin une pile complète de tous les articles qui parlent de la disparition de Typhaine depuis le début de l’affaire.

Ils comprennent qu’ils sont inquiets et ne savent pas où est l’enfant, et même s’ils l’avaient enlevé, la petite fille ne serait pas en danger à leurs côtés.

Toujours en garde à vue, Anne-Sophie Faucheur et Nicolas Willot choisissent un avocat, maître Emmanuel Riglaire. Il visite la maison et selon lui tout est normal, on y trouve beaucoup de jouets et de peluches en tous genres destinés à occuper les enfants. Il remarque cependant l’absence de photos de Typhaine dans le domicile du couple, mais il met cela sur le fait que l’enfant n’est revenu ici que depuis quelques mois.

De fin juin à novembre : six mois d'enquête intensive. 

À ce stade, le couple que forme Anne-Sophie Faucheur et Nicolas Willot apparaît comme le principal suspect. De nouveaux éléments viennent corroborer cette suspicion.

* Le 13 avril 2009, le lundi de Pâques, le couple se rend à une braderie. Les enquêteurs décident de saisir les photos prises lors de cette braderie. On se rend compte que les adultes sont accompagnés de deux enfants que sont, Caroline et Apolline. Les enquêteurs se demandent où peut bien se trouver Typhaine à ce moment-là.

* Le 13 juin 2009, cinq jours avant la disparition officielle de la fillette, se déroule le baptême de sa petite sœur, Apolline. Cependant, certains membres de la famille remarquent l’absence de Typhaine à cet événement. Les parents expliquent aux invités que l’enfant serait chez son père pour le week- end, le père de la fillette nie avoir eu un quelconque droit de garde accordé par la mère à la suite de son retrait de l’école par Anne-Sophie.

De plus, lorsque les enquêteurs vont interroger Anne-Sophie et Nicolas sur l’absence de la fillette à la fête, ils expliqueront qu’ils ont préféré la laisser à la maison par peur que François, son père biologique, viennent l’enlever ; contredisant directement leur propre version des faits.
Les officiers de police sont suspicieux et persuadés que c’est un mensonge, on ne laisse pas une enfant de cinq ans, seule dans une maison : ils pensent que la fillette ne se trouvait pas, à ce moment, au domicile du couple.

* Le 17 juin 2009, la veille de la disparition officielle de Typhaine, le couple se rend dans un fast- food. Les caméras de surveillance de l’établissement de restauration révéleront que, pour la troisième fois, Typhaine n’est pas avec ses parents.

Les enquêteurs estiment que les sorties répétées du couple sans la jeune enfant sont assez suspectes, et la police judiciaire remet de plus en plus en cause la version donnée par Anne-Sophie et Nicolas.
Pour ces raisons, le couple est mis sur écoute et le domicile est perquisitionné : quelque chose n’est pas clair, mais on ne trouve aucune preuve, aucune trace de sang.

Tous leurs faits sont examinés, rapidement ils ne jouent plus le couple éploré et reprennent une vie normale. Leurs historiques de recherches révèlent qu’ils se rendent de nouveau sur des sites à caractère pornographique, chose qu’ils ne faisaient plus après la disparation de Typhaine.
Et Anne-Sophie confiera à sa mère, lors d’une conversation téléphonique écoutée, qu’ils prévoient leurs vacances pour l’été suivant en précisant qu’elle n’emportera pas Caroline et Apolline qui iront au centre aéré, mais semble aucunement considérer le sort de Typhaine à son retour, retour qu’elle dit attendre dans les médias.

Cependant, les choses n’avancent pas, aucune preuve, aucun aveu, aucun témoignage, aucun nouvel élément permettant une avancée dans l’enquête.

30 novembre 2009 : les aveux. 

Après six mois d’enquête, Anne-Sophie est placée en garde à vue pour la seconde fois et réaffirme encore sa première version de ce qui se serait déroulé le 18 juin ; l’emploi du temps ne satisfait pas les enquêteurs car six mois plus tard tout est mélangé, le déroulement des faits n’est plus le même que lors de sa première déposition.

Après douze heures de garde à vue, elle demande à aller aux toilettes, c’est un jeune officier qui vient d’intégrer la brigade criminelle qui l’accompagne, elle se met soudainement à pleurer et lui dit qu’elle veut tout leur raconter, que c’est un secret trop dur à porter.

Elle explique, ce jour-là vers 17h, que le soir du 10 juin 2009, la petite a souillé son lit. De fait, elle l’aurait lavé et l’aurait laissé seule dans la salle de bain le temps d’aller changer les draps et de prendre des vêtements propres. Après avoir changé les draps, elle serait redescendue pour habiller sa fille mais l’aurait retrouvé inanimée dans le bac de douche.

Elle dit avoir été prise de panique et avoir appelé son compagnon qui, grâce à ses compétences aurait constaté le décès de la petite Typhaine.
Immédiatement, le couple se serait concerté et aurait établi un plan : Nicolas devait enterrer la jeune fille pendant qu’elle ferait croire à un enlèvement. Elle explique que ce 18 juin, à Maubeuge, elle est allée faire ses démarches administratives avec ses deux filles : Caroline et Apolline. Puis que Nicolas serait venu chercher Caroline avant qu’elle ne se rende au commissariat afin que son emploi du temps soit validé.

Elle explique qu’ils ont fait ça par peur de se faire retirer la garde de ses deux autres filles alors que, selon elle, c’était un accident.

Les enquêteurs restent tout de même confus, quelque chose dans tout ça ne colle pas. Habilement, ils vont expliquer à Nicolas Willot que sa compagne a avoué ce qu’elle a fait, sans préciser l’étendue de ses aveux.
Pensant que tout a été dit, Nicolas va révéler l’horreur qu’a subie Typhaine. Il apprend aux enquêteurs que tout a commencé bien plus tôt que le jour de son décès, selon lui, à peine une semaine après l’arrivée de la fillette chez eux elle subissait déjà des coups et maltraitances en tous genres. Il donne les exemples des punitions que la mère infligeait souvent à la fille : privation de nourriture, douche froide voire glacée, enfermement à la cave pendant plusieurs heures et évidemment des coups de poing, coups de pied partout dans son petit corps. Elle n’avait pas non plus le droit de sortir de la maison et n’allait plus à l’école depuis que sa mère l’en avait enlevé, cependant aucun signalement d’absentéisme n’avait été fait avant la disparition de la petite fille. 

Puis il en vient aux faits du 10 juin 2009, ce soir-là, le couple regardait la télévision mais ils furent agacés par le bruit que faisait Typhaine dans sa chambre ; comme ils en avaient l’habitude, ils veulent donc la punir. Nicolas va la chercher et la tient par les aisselles en la bloquant contre le sol, quant à Anne-Sophie elle enfila une paire de chaussures puis enchaîne toute une série de coups de pied dans la fillette : dans ses jambes, dans le ventre, dans le dos et dans le visage.

Ensuite, elle infligea à la petite fille une douche glacée qui dura une demi-heure et l’abandonna là, dans le bac de douche, avant de retourner regarder la télévision.
Quelques minutes après un bruit étrange, une sorte de râle, se fit entendre dans la maison et c’est en remontant dans la salle de bain qu’ils découvrirent que Typhaine avait agonisé, elle était là gisante sur le sol. Pompier de formation, Nicolas tenta, d’après ses déclarations, de réanimer la petite fille, et après plusieurs minutes il prit le pouls de l’enfant et ne put que constater le décès. « Pardon maman », ce sont les derniers mots que Typhaine a prononcé, pendant qu’elle était sous la douche, avant son décès à l’âge de 5 ans.

Le 1er décembre 2009 : l'ouverture de l'instruction. 

Ce jour, presque six mois après la disparition de la fillette, Anne-Sophie Faucheur et Nicolas Willot sont mis en examen pour homicide volontaire et violence aggravée sur mineur de 15 ans, ils encourent la réclusion criminelle à perpétuité. Ils sont également placés, immédiatement, en détention provisoire.

Les aveux étonnent tout le monde car beaucoup pensaient, encore, que le père de la petite Typhaine était à l’origine de cette affaire. Cependant, l’aveu meurtrier apparaît comme un soulagement pour tous, la lumière sur cette affaire est enfin faite. Seul le père, évidemment, voit ses aveux comme la pire chose pouvant lui arriver, son monde s’effondre et il comprend qu’il ne reverra plus jamais son enfant.

La police explique que ces aveux sont une chance pour les policiers, ils étaient dans une impasse. Ils n’avaient aucune preuve ni contre le couple, ni contre un potentiel autre suspect : les amants auraient pu rester dans le silence et l’affaire aurait été classée sans suite au bout d’un certain temps.

Le 9 décembre 2009 : la découverte du corps. 

Sans conviction, les enquêteurs partent à la recherche du corps selon les indications de Nicolas, le souci ici c’est qu’il peut mentir afin que le corps de la fillette ne soit jamais retrouvé. Mais ici, il explique en détail l’endroit où repose la petite fille, il explique qu’il l’a enterré en Belgique à proximité de Charleroi : c’est dans le bois de Marcinelle, tristement célèbre à la suite des agissements de Marc Dutroux, que le corps sans vie de Typhaine est retrouvé six mois après son décès. Son corps est retrouvé à même la terre, enfouit à peine un mètre en dessous du sol, nu et les jambes repliées.

L’autopsie réalisée le lendemain viendra confirmer les aveux de Nicolas, l’enfant été un sac de boxe pour sa mère : « Deux impacts crâniens, une fracture du bassin, de la jambe gauche, du coude gauche ; le pubis était rompu, y compris au niveau des muscles fessiers, l'os crânien fracturé à deux endroits. Le thorax était également touché ; une fracture du péroné était en cours de consolidation au moment de sa mort, ce qui montre que ce n'était pas la première fois que la fillette était battue. L'estomac, intact, était vide » mais « l'état de décomposition avancé » ne permet cependant pas de déterminer « la cause de la mort ».

Nicolas a expliqué que leur projet était de faire passer cet acte pour l’œuvre de quelqu’un d’autre, en l’occurrence pour l’œuvre de Marc Dutroux en enterrant la fillette là où il enterrait ses victimes.


Le 29 décembre 2009 : l'enterrement de Typhaine. 

C’est avec émotions que les funérailles de la petite fille se tiennent, la famille de son père est entourée d’énormément de monde : il y a la famille de la mère, que le père n’a pas souhaité écarter, les amis, mais aussi de simples gens qui sont venus soutenir la famille après avoir suivi l’horreur des évènements dans la presse.

Son corps est transporté dans un tout petit cercueil blanc, dans lequel elle sera inhumée à Mons- en-Barœul à proximité du domicile de son père. À ce moment, Anne-Sophie et Nicolas sont les parents les plus détestés de France.


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JUGEMENT ET ANALYSE

Le 21 janvier 2013 s’ouvre le procès d’Anne-Sophie Faucheur et de Nicolas Willot à la Cour d’assise de Douai dans le Nord (59). Entre temps, le couple se sépare et Anne-Sophie décide de se défendre de son côté avec l’aide de maître Blandine Lejeune, alors que Nicolas est toujours défendu par maître Emmanuel Riglaire.

Ce procès est énormément suivi par la foule et par la presse, tous veulent savoir ce que vont devenir ses « monstres ». En toute objectivité, il ne faut jamais réduire une personne à son acte, si horrible soit-il, car tout le monde doit avoir droit à une seconde chance : l’acte est monstrueux, pas l’auteur. La famille de François Taton est arrivée avec t-shirt à l’effigie de Typhaine sur lesquels il est inscrit « pour Typhaine » afin de laisser un hommage à la petite fille, ce jour-là, une marche est aussi organisée en son honneur.

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La mère et le beau-père sont jugés pour homicide volontaire sur mineur de 15 ans et pour dénonciation volontaire de délit imaginaire.
L’homicide volontaire, aussi appelé « meurtre », est réprimé par l'article 221-1 du Code Pénal « Le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre. Il est puni de trente ans de réclusion criminelle. » 

Cependant, l’article 221-4 du Code pénal dispose que « Le meurtre est puni de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu'il est commis : 1° Sur un mineur de quinze ans ; (...) ; 3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ; (...) 4° ter Sur le conjoint, les ascendants ou les descendants en ligne directe (...) ».

Dans cette affaire, la réclusion criminelle a perpétuité est encourue étant donné que la victime était âgée de moins de 15 ans, et qu’en plus elle a succombé aux coups de sa mère.

Ils sont également poursuivis pour dénonciation volontaire de délit imaginaire, c’est un fait réprimé par l’article 434-26 du Code pénal qui dispose que « Le fait de dénoncer mensongèrement à l'autorité judiciaire ou administrative des faits constitutifs d'un crime ou d'un délit qui ont exposé les autorités judiciaires à d'inutiles recherches est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. »

En effet, il est ici évident que lorsque Anne-Sophie Faucheur est allée au commissariat pour déclarer la disparition de sa fille le 18 juin 2009, elle savait pertinemment que l’on ne la retrouverait pas. Ce délit était donc constitué.


Dans cette affaire, se dessine un concours réel d’infraction, il est prévu à l’article 132-2 du Code pénal qui dispose : « Il y a concours d'infractions lorsqu'une infraction est commise par une personne avant que celle-ci ait été définitivement condamnée pour une autre infraction. ».
Dans ce cas, le juge doit prononcer une décision de culpabilité pour chaque infraction et retenir la peine maximale encourue pour l’infraction la plus grave comme maximum car, les peines de même nature ne se cumulent pas en matière criminelle et délictuelle.

Dans cette affaire, parmi les deux infractions l’une est de nature criminelle, l’homicide volontaire, quand l’autre est délictuelle, la dénonciation volontaire de délit imaginaire. Il paraît donc logique, vu ses éléments, de retenir une peine au titre de l’homicide volontaire.

Durant le procès, le nerf de la guerre était de prouver, ou de réfuter pour la défense, l’intention homicide dans la mort de la fillette. Les avocats de la défense ont cherché à faire baisser le nombre d’années en prison en invoquant que les accusés n’avaient pas la volonté de donner la mort à la petite fille par le biais de violences volontaires.

Le problème avec les violences volontaires, c’est que l’intention est indéterminée. En effet, lorsque l’agent commet l’infraction consistant à porter des coups sur sa victime, il ne sait pas quel sera le résultat. Le résultat de ces violences dépend de nombreux facteurs ne permettant pas à l’auteur de définir précisément son intention : cela dépend d’abord de la force et de la nature des coups donnés par l’auteur ; mais aussi de la capacité de résistance dont fait preuve la victime.

De fait, ils ne peuvent pas se démettre de leur responsabilité pénale en invoquant qu’il n’y avait pas d’intention homicide puisque l’on ne peut pas, ici, déterminer l’intention exacte qu’avait la mère en abattant le premier coup sur sa fille de cinq ans.
Certains indices laissent tout de même penser qu’ils avaient l’intention de commettre ce crime car, comme l’a précisé l’avocat général, Luc Frémiot, lors du procès : 


« La volonté homicide elle est là ! À qui veut-on faire croire... Une enfant de 4 ans et demi, quand on la prive de manger, quand on la frappe, à qui veut-on faire croire qu’il n’y a pas de volonté homicide ? »


À la fin de ses réquisitions, l’avocat général demande trente années de réclusion criminelle, dont vingt ans de sûreté à l’encontre d’Anne-Sophie Faucheur et de Nicolas Willot.
La réclusion criminelle est le nom donné à une peine de prison en matière criminelle. Ici lors des réquisitions on remarque une mesure de sûreté, brièvement une mesure de sûreté a pour seul but de protéger la société, elle n’a aucune utilité sur le détenu, sa seule fonction est préventive.

Ici, une mesure de vingt années de sûreté est demandée par l’avocat général, cela signifie que les ex-amants feraient d’office vingt ans de prison avant d’espérer une quelconque remise de peine. Cette demande est jugée comme assez clémente puisque, bien qu’une circonstance aggravante soit constituée par le jeune âge de la fillette, le procureur ne requiert que trente années de réclusion criminelle.

Au cours de ce procès, l’aspect psychologique des accusés a été étudié dans son intégralité. Concernant Nicolas Willot, rien de bien inquiétant, c’est un homme né dans une bonne famille qui était pompier volontaire depuis plusieurs années à la caserne d’Aulnoye-Aymeries (59). Les psychologues relèvent chez lui une certaine honnêteté, ce qui rendait difficile pour lui le fait de mentir et c’est la source des premiers soupçons des enquêteurs.

Le concernant, les experts ont simplement analysé qu’il était très amoureux d’Anne-Sophie, raison pour laquelle il n’aurait jamais agi pour faire cesser les violences.


En revanche, pour ce qui est d’Anne- Sophie Faucheur, les experts la définissent comme une femme extrêmement machiavélique, froide, sadique et perverse. Ils expliquent que tout cela est causé par un passé très lourd, elle est enceinte de Caroline dès l’âge de 15 ans et se retrouve avec un deuxième enfant issu d’une grossesse non désirée. Plus jeune, elle a, elle- même, était privée par ses parents qui ne lui prouvaient aucun amour, elle était battue régulièrement.

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Certains psychologues vont aller jusqu’à évoquer le syndrome de Médée pour justifier le passage à l’acte. Le syndrome de Médée est une modalité de harcèlement mise en œuvre par un parent voulant priver son conjoint de la relation avec ses enfants et apparaissant à l'occasion d'une rupture conjugale. Dans la mythologie grecque, Médée tue son enfant pour punir Jason, son aimé, de l’infidélité.

Ainsi, selon plusieurs experts, Anne-Sophie Faucheur aurait tenté pendant plusieurs années de faire du mal à son ex-concubin, François Taton, en vain ; et le dernier moyen dont elle disposait pour le faire souffrir était de toucher à ce qu’il avait de plus précieux au monde, sa fille. Finalement, pour ses experts, la mort de la petite fille est survenue dans une optique de vengeance à l’égard du père de la petite fille.

Lors du procès, les accusés ne vont montrer aucun regret et donner aucune explication. Selon Anne- Sophie, elle ne pouvait pas donner d’explications puisqu’elle n’en avait pas, elle n’explique pas les raisons de son passage à l’acte malgré les rapports des experts, elle dira simplement qu’elle n’avait jamais supporté la fillette. Elle maintient qu’elle ne pensait pas que la petite fille mourrait sous ses coups mais qu’elle acceptera la sanction.


Quant aux regrets, ils ne présenteront jamais leurs excuses à la famille, Anne-Sophie : 

 « Ce que j’ai fait est impardonnable, c’est pourquoi je ne demande pas pardon aux familles. Typhaine ne méritait pas ça ».

Après cinq longues journées de procès, les jurés donnent leur verdict, les accusés sont déclarés coupables et condamnés à trente ans de prison, dont vingt ans de sûreté conformément aux réquisitions du parquet.
Selon l’avocate d’Anne-Sophie, la période est longue mais sa cliente est consciente de ce qu’elle a fait, elle évoque avoir fait énormément de mal à la petite et dit qu’avec du recul elle aurait agi différemment.

L’avocat de Nicolas aurait, quant à lui, souhaité une différence entre les deux dans la peine. Pourtant, juridiquement, la sanction est cohérente car Nicolas est complice de l’infraction menant au décès de la petite Typhaine.
En effet, bien que ce soit Anne-Sophie qui est, à proprement parlé, tuée la petite fille, il a eu une participation active dans la réalisation du crime : il a tenu la petite fille pendant que sa mère se défoulait et l’a enterré en Belgique.

Il remplit bien les conditions de la complicité par aide ou assistance, évoquées par le Code pénal à l’article 121-7, en son alinéa premier : « Est complice d'un crime ou d'un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation. »
En droit français, on réprime la complicité à l’aide de la théorie de l’emprunt de criminalité qui impose que l’on se repose sur le fait principal punissable qui ici est le meurtre de la fillette de cinq ans. De plus, il existe deux autres conditions qui exigent que le complice agisse fin d’aider l’auteur principal des faits, ce qui est l’élément matériel de la complicité ; et aussi, que le complice ait conscience de s’associer à la commission de l’infraction et ainsi de réaliser des actes de complicité, c’est l’élément moral de la complicité.

Ici, on peut constater que l’enterrement de la petite fille et la non-dénonciation des maltraitances constituent une assistance à sa concubine dans son crime ; de plus, il a agi sciemment puisqu’il a reconnu devant les enquêteurs avoir sciemment participé au stratagème d’Anne-Sophie pour ne pas perdre la garde de sa fille, Apolline.

Il faut tout de même rappeler qu’Anne-Sophie est connue pour être une personne machiavélique et manipulatrice et, selon certains experts, il aurait pu se laisser influencer par l’amour qu’il ressent pour elle sans avoir jamais eu l’intention de faire du mal à la fillette.

Malgré son hésitation après le prononcé de la peine, l’avocat de Nicolas décidera de ne pas interjeter appel car il veut définitivement passer à autre chose.
De plus, rien ne prouve qu’il aurait bénéficié d’un rabais dans sa peine car, depuis la réforme du Code pénal de 1992, le complice est réprimé comme « auteur de l’infraction », c’est-à-dire qu’il encourt la même peine qu’Anne-Sophie qui est auteur de l’infraction.

Cependant, l’opinion publique espérait une peine plus sévère pour Anne-Sophie qui disposait de la circonstance aggravante relative au lien de filiation directe et qui a été le bourreau de la fillette pendant de nombreux mois.

Pour ce qui concerne la famille de Typhaine, son père vit toujours aujourd’hui à Mons-en-Barœul, là où la petite fille a été inhumée, il travaille dans le bâtiment.
Sa sœur, Caroline, et sa demi-sœur, Apolline ont d’abord été placées en foyer à la suite du procès pour le meurtre de Typhaine : on refusait de séparer les sœurs en confiant la garde de Caroline à son père. Cependant, quelques années plus tard, après une longue bataille menée par François Taton, il a enfin obtenu la garde de son aînée ; concernant Apolline, elle vit chez sa grand-mère paternelle ; les relations entre les deux sœurs sont bonnes et leurs familles respectives font en sorte qu’elles restent en contact.

La ville d’Aulnoye-Aymeries, lieu où la petite Typhaine a perdu la vie a souhaité lui rendre hommage en inaugurant un parc de jeu pour enfant à son nom.

© francetvinfo.fr



Il existe deux affaires très similaires à l’affaire Typhaine qui sont toutefois plus connues en France : ce sont les affaires Marina Sabatier et l’affaire Fiona Chafoulais.


Concernant Marina, elle décède au mois d’août 2009, quelques mois après Typhaine, à la suite de sévices infligés par ses parents. Ils ont été condamnés en 2012 à trente ans de réclusion criminelle, assortie d’une mesure de sûreté de vingt ans, pour des actes de torture et de barbarie ayant entraîné la mort de la petite fille. Cette affaire a, par ailleurs, révélé l’incapacité des services publics de prévention contre la maltraitance à protéger des enfants dans cette situation. C’est ce fait divers qui inspirera le film d’Éléonore Faucher sorti en 2019 intitulé La Maladroite.

Quant à elle, Fiona était âgée de cinq ans au moment des faits et sa mère déclare au commissariat la disparition de sa fille dans un parc à Clermont-Ferrand (63), à l’instar de Typhaine. Fiona connaîtra le même funeste destin que Typhaine, ses parents avoueront avoir écourté sa vie par des maltraitances répétées et l’avoir enterré. Aujourd’hui, l’affaire est encore au tribunal. 

Malheureusement, le meurtre de Typhaine n’était pas un cas isolé.

Cassandre Delhoye 19 mars 2024
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