Réalisateur engagé, André Cayatte interpelle régulièrement ses spectateurs sur plusieurs sujets de société à travers ses nombreux films. “Justice est faite” aborde le sujet délicat de l’euthanasie ainsi que le rôle très particulier des jurés d’assises.
Le film expose le procès d’Elsa, directrice pharmaceutique, qui est accusée d’avoir tué M. Vaudrémont, son amant, afin de mettre fin aux souffrances qu’il endurait à cause du cancer dont il était atteint. Cependant le motif qui aurait poussé Elsa à tuer M. Vaudrémont est flou.
L’enjeu du procès va donc être de déterminer si elle l’a euthanasié pour mettre fin à sa souffrance ou si elle l'a assassiné. Cette dernière était amoureuse d'un autre homme,le doute plane.
Le procès se déroule aux Assises face à des jurés qui ont des profils très divers. Parmi le jury on retrouve, par exemple, un commandant à la retraite, un agriculteur, un barman ou encore un commerçant. On ne compte cependant qu’une seule femme, une riche antiquaire, qui sera d’ailleurs la seule parmi les jurés à dépasser les préjugés auxquelles elle est soumise et les difficultés à propos de sa vie personnelle afin de juger de manière consciente et en son intime conviction.
Il est intéressant de remarquer que le film ne contient aucun plan cinématographique illustrant la vie d'Elsa ou celle de son amant. Le spectateur ne découvre l’histoire de cette dernière qu’à travers ses mots, ceux des témoins, du procureur et ou encore du président.
La moitié des plans se déroulent uniquement au tribunal. L’autre partie des plans, assez conséquente, consiste à suivre le quotidien de jury d’assises et de voir comment leur vie personnelle, leurs fréquentations ou encore leurs opinions peuvent les influencer. D’ailleurs, pour la plupart, leurs problèmes personnels finissent par empiéter sur le procès.
L’essentiel du film ne se résume pas uniquement au procès d'Elsa mais la manière dont les jurés et spectateurs politisent et jugent cette affaire.
En effet, par son rôle d'amante, sa condition de femme, mais également ses origines étrangères, Elsa va énormément troubler les jurés qui vont surtout s’attacher à ces détails, plutôt qu’aux faits. Certains jurés vont, par leur préjugés et opinions, juger cette affaire à travers un prisme politique et sociétal.
Par ces moyens, André Cayatte illustre l’importante place de la subjectivité des jurés dans cette procédure. Certes le juré est censé juger par ses sentiments en ayant une intime conviction que ce qu’il déclare est juste et correspond à sa vérité.
Nonobstant il serait faux de ne pas mentionner la vision biaisée que provoquent les acquis sociaux et les opinions politiques de chacun. La fin de cette œuvre est marquante car le verdict final n’est pas du tout unanime, une seule voie aurait suffit à acquitter Elsa. De plus, en sortant du tribunal, l'un des jurés fait comprendre au spectateur que, dans d'autres circonstances, il aurait pu voter différemment et ainsi épargner Elsa.
Ce sont donc les circonstances, auxquelles les jurés faisaient face au sein de leur vie personnelle, qui ont eu raison du sort d’une femme et non l’intime conviction. Cette fin nous laisse un goût amer et alourdit notre sentiment d’injustice car elle n’est que le résultat d’une subjectivité extrême de ses jurés. A l’image du titre du film, “Justice est faite”, avant même que le procès se soit déroulé.
En effet, même après les multiples témoignages, très peu des jurés sauront surpasser leur position initiale afin de rechercher la vraie Justice, la Justice forte et réfléchie, qui émane de notre intime conviction et non de nos préjugés.