L’affaire Bétharram est un scandale majeur d’abus physiques et sexuels sur des mineurs qui éclabousse l’établissement Notre-Dame de Bétharram, un pensionnat catholique des Pyrénées-Atlantiques. Plus de 100 victimes présumées ont dénoncé des faits s’étalant sur plusieurs décennies, entraînant une enquête judiciaire. L’affaire prend une ampleur politique avec l’implication indirecte de François Bayrou, Premier ministre et figure locale influente, accusé d’avoir eu connaissance des faits sans intervenir.
L’affaire éclate en 2023 lorsqu’un groupe Facebook d’anciens élèves permet de recenser plusieurs témoignages d’abus au sein de l’établissement. Les victimes dénoncent des violences physiques, agressions sexuelles et viols perpétrés par des enseignants et des religieux depuis les années 1950 jusqu’aux années 2000. Face à l’ampleur des accusations, le parquet de Pau ouvre une enquête préliminaire début 2024. Très vite, des témoignages convergents émergent, suggérant une omerta systémique et une protection des agresseurs au sein de l’institution.
Le scandale prend une ampleur politique lorsque des liens émergent entre François Bayrou et l’établissement Notre-Dame de Bétharram. Originaire des Pyrénées-Atlantiques, il a grandi dans un environnement proche de cette institution. Sa femme, Élisabeth Bayrou, y a enseigné le catéchisme dans les années 1990, et plusieurs de leurs enfants y ont été scolarisés. À l’époque où certains faits d’abus auraient pu être signalés aux autorités, François Bayrou était ministre de l’Éducation nationale entre 1993 et 1997 et président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques. Ces liens posent une question centrale : était-il au courant des faits et, si oui, a-t-il sciemment laissé faire ou ignoré les alertes ?
François Bayrou a immédiatement réagi en niant catégoriquement toute connaissance de ces abus. Il a affirmé qu’il n’avait jamais entendu parler de tels actes et que s’il en avait eu la moindre information, il aurait tout fait pour y mettre un terme. Pourtant, plusieurs témoignages contradictoires émergent. Françoise Gullung, une ancienne professeure de mathématiques de l’établissement, a affirmé avoir alerté Élisabeth Bayrou des violences qui se déroulaient au sein de l’école. De plus, Christian Mirande, un magistrat aujourd’hui retraité, a déclaré qu’il avait rencontré François Bayrou à la fin des années 1990 pour évoquer des plaintes contre des membres du personnel de Bétharram. François Bayrou a immédiatement contesté ces affirmations, qualifiant ces accusations d’infondées et politiquement motivées.
Face à cette controverse, le Premier ministre a cherché à détourner la responsabilité vers d’autres acteurs politiques. Il a affirmé que le gouvernement de Lionel Jospin, qui lui a succédé en 1997, avait été informé à plusieurs reprises des abus dans l’établissement par le procureur général. Selon lui, le ministère de la Justice et le ministère de l’Éducation de l’époque avaient été alertés sans prendre les mesures nécessaires. Cette déclaration a provoqué un tollé dans la classe politique. Ségolène Royal, alors ministre déléguée à l’Enseignement scolaire sous Jospin, a dénoncé une « manœuvre indigne » de François Bayrou et envisage une action en justice pour diffamation. L’opposition, en particulier La France insoumise, exige désormais la démission immédiate du Premier ministre, l’accusant de mensonges et de manquements à son devoir de protection des mineurs.
L’enquête en cours devra déterminer plusieurs points cruciaux. Elle devra établir si des responsables de l’établissement ont sciemment couvert les abus ou s’ils ont été protégés par des institutions religieuses ou administratives. L’un des défis majeurs de cette procédure sera la prescription des faits. Nombre de victimes ont témoigné de sévices subis dans les années 1960, 1970 et 1980, ce qui pourrait rendre difficile toute poursuite judiciaire. Cependant, le parquet de Pau a assuré que tous les moyens seraient mis en œuvre pour identifier et sanctionner les responsables encore vivants.
Le point juridique : La prescription juridique des faits
Depuis la loi du 5 août 2021, le délai de prescription pour ces infractions est de 30 ans après la majorité de la victime, soit une possibilité de poursuite jusqu’à 48 ans. Avant cette réforme, la prescription était de 20 ans, ce qui limitait encore davantage les recours.
Dans ce dossier, de nombreux faits, remontant aux années 1950-1990, sont prescrits. Toutefois, si des agressions ont eu lieu après les années 1990 et concernent des victimes n’ayant pas encore 48 ans, des poursuites restent possibles. Plusieurs stratégies juridiques peuvent être envisagées pour contourner la prescription, notamment :
- L’exception de dissimulation si une organisation a sciemment couvert les crimes, repoussant ainsi le point de départ du délai.
- L’action civile, qui permet aux victimes d’obtenir des réparations même en cas de prescription pénale.
- Les poursuites pour non-dénonciation, qui peuvent être engagées contre des personnes ayant eu connaissance des faits mais n’ayant pas alerté la justice (délai de prescription de 6 ans à compter de la révélation).
Plusieurs stratégies juridiques peuvent être envisagées pour contourner la prescription, notamment :
• L’exception de dissimulation si une organisation a sciemment couvert les crimes, repoussant ainsi le point de départ du délai.
• L’action civile, qui permet aux victimes d’obtenir des réparations même en cas de prescription pénale.
• Les poursuites pour non-dénonciation, qui peuvent être engagées contre des personnes ayant eu connaissance des faits mais n’ayant pas alerté la justice (délai de prescription de 6 ans à compter de la révélation).
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Au-delà des aspects judiciaires, l’affaire Bétharram est en passe de devenir un séisme politique majeur. François Bayrou, jusqu’ici considéré comme un homme d’État respecté, voit son image écornée par cette controverse. Son maintien au poste de Premier ministre devient de plus en plus incertain, d’autant plus que la majorité présidentielle repose sur un équilibre fragile. Une pression intense s’exerce sur lui, et des rumeurs de remaniement gouvernemental commencent à circuler.
Cette affaire révèle une fois de plus les défaillances des institutions face aux abus commis sur des mineurs. Elle rappelle les nombreux scandales de pédocriminalité ayant touché l’Église catholique et met en lumière l’omerta qui a pu exister dans certaines structures éducatives et religieuses. Les prochains mois seront décisifs pour l’évolution de ce dossier, tant sur le plan judiciaire que politique. Les victimes attendent justice, et l’opinion publique exige des réponses.