Près de six ans après l’attaque, le procès des attentats de Trèbes et Carcassonne s’est ouvert à Paris.
Ce 22 janvier 2024 débutait le procès des attentats commis à Trèbes et Carcassonne le 23 mars 2018. Radouane Lakdim, l’auteur de l’attaque qui a coûté la vie à 4 personnes dont le gendarme Arnaud Beltrame, ayant été tué ce jour-là, ne sera pas jugé dans ce procès.
Palais de justice de Paris - © Hugo Scalabre

Le 23 mars 2018 fut une journée noire dans l’Aude. Le périple meurtrier de Radouane Lakdim a débuté en milieu de matinée lorsque cet homme radicalisé, armé d’un pistolet automatique, ouvrit le feu sur des passants et policiers dans les rues de Trèbes et de Carcassonne. Mais c’est dans un Super U que le terroriste fit le plus de victimes avant de prendre en otage une caissière. Lorsque la gendarmerie arriva sur place en fin de matinée, le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame s’est volontairement substitué à l’otage avant d’être poignardé à mort. Radouane Lakdim fut finalement abattu par le GIGN en début d’après-midi.
Sept personnes, accusées d’avoir apporté un soutien logistique et idéologique au terroriste ont ainsi été renvoyées devant la cour d’assises spécialement composée de Paris, présidée par Laurent Raviot qui avait déjà occupé cette fonction lors du procès de l’attentat commis à Nice le 14 juillet 2016. Les débats, prévus pour durer un mois, ont lieu au sein de la salle des « Grands procès » qui a accueilli celui des attentats du 13-Novembre.
L’absence d’un ami d’enfance
Ce lundi 22 janvier, l’audience a débuté par l’interrogatoire de personnalité des accusés. Cinq d’entre eux sont poursuivis pour « participation à une association de malfaiteurs terroriste criminelle » dont Marine Pequignot, l’ex-petite amie de Radouane Lakdim, qui encourt une peine de 30 ans de réclusion criminelle. Il est reproché aux deux derniers accusés la « détention d’armes et de munitions » pour l’un, et la « non dénonciation de crime terroriste » pour l’autre.
Baghdad Haddaoui, seul accusé comparaissant libre, ne s’est d’ailleurs pas présenté devant la cour lors de la première journée. Le ministère public a exclu dès le départ un jugement par défaut. L’avocat de cet accusé, en s’appuyant sur l’article 379-2 alinéa 2 du Code de procédure pénale, a donc demandé une disjonction des faits, qui permettrait de juger Baghdad Haddaoui lors d’un futur procès, après avoir décerné un mandat d’arrêt. Mais la cour, après avoir délibéré, a finalement suivi les réquisitions des deux avocates générales en décernant un mandat d’amener afin de faire venir l’accusé devant la cour d’assises en utilisant la force publique (article 320-1 du Code de procédure pénale). L’objectif étant de ne pas différer les débats.
Le mardi 23 janvier, le président a ainsi annoncé l’interpellation de l’accusé absent à son domicile de Saint-Etienne. La cour devra décider prochainement s’il pourra continuer à comparaître libre ou sous contrôle judiciaire, ou encore si elle décide de le placer en détention provisoire.

Salle des « Grands procès » lors du procès de l’attentat de Nice - © Hugo Scalabre
L'article 379-2 alinéa 2 du Code de procédure pénale
"Toutefois, la cour peut également décider de renvoyer l'affaire à une session ultérieure, après avoir décerné mandat d'arrêt contre l'accusé si un tel mandat n'a pas déjà été décerné".
L'article 320-1 du Code de procédure pénale
"Sans préjudice des dispositions du deuxième alinéa de l'article 272-1 et de celles du deuxième alinéa de l'article 379-2, le président peut ordonner que l'accusé qui n'est pas placé en détention provisoire et qui ne comparaît pas à l'audience soit amené devant la cour d'assises par la force publique."
Dans un deuxième temps, la matinée a été consacrée à la constitution de parties civiles. En effet, l’article 2 du Code de procédure pénale permet aux personnes qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’action terroriste de se constituer parties civiles. L’une des difficultés, ici, concerne « l’association de malfaiteurs terroriste » qui est une infraction obstacle. Cela signifie que lors de ce procès, la cour ne jugera pas l’attentat en lui-même mais l’accomplissement d’actes préparatoires à la réalisation d’une attaque terroriste. La jurisprudence en la matière est cependant constante ces dernières années et admet la constitution de parties civiles des victimes directes et indirectes de l’acte terroriste même en l’absence de l’auteur de l’attaque.
Un autre point important concerne la recevabilité de la constitution de parties civiles de personnes morales comme le Super U. Pour Maitre Jean Reinhart, l’avocat de la société exploitant ce supermarché, lors du procès des attentats de Paris commis le 13 novembre 2015, le Petit Cambodge (restaurant) et le Bataclan avaient pu se constituer parties civiles. D’un autre côté, le parquet national antiterroriste (PNAT) a rappelé que la constitution de partie civile de la ville de Nice lors du procès de l’attentat commis le 14 juillet 2016 sur la promenade des Anglais avait été rejetée. La question est donc laissée en suspens.
L’organisation de cinq semaines de procès
Enfin, le président s’est penché sur le calendrier prévisionnel avec l’audition des témoins : fonctionnaires de police, proches des accusés, parties civiles, enquêteurs de personnalité, experts en balistique, etc. La plupart d’entre eux souhaitent témoigner en visioconférence mais le ministère public a exprimé ses réticences. En effet, pour le PNAT, un témoignage en présentiel permettra de mieux comprendre certains aspects de l’affaire.
L’après-midi a, quant à elle, été consacrée au rappel des faits reprochés aux sept accusés mais également au témoignage d’un fonctionnaire de la sous-direction antiterroriste de la police judiciaire qui est revenu sur le déroulé de ces attentats. Le délibéré est prévu pour le 23 février.