Le 19 février 2025, Richard Ferrand, ancien président de l’Assemblée nationale et proche collaborateur d’Emmanuel Macron, a été nommé à la présidence du Conseil constitutionnel. Cette nomination, proposée par le chef de l’État, a été validée de justesse par les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat, avec 58 voix contre et 39 pour. Pour rejeter la candidature, une majorité des trois cinquièmes (59 voix) était requise, seuil manqué d’une voix seulement. 
Le point juridique : La procédure de nomination du président du Conseil constitutionnel
Le président du Conseil constitutionnel est nommé par le président de la République, conformément à l’article 56 de la Constitution. Cette nomination s’inscrit dans un cadre juridique qui vise à assurer la compétence et l’indépendance du titulaire du poste. Contrairement aux membres ordinaires du Conseil, qui peuvent être désignés par le président de la République ainsi que par les présidents des assemblées, la nomination du président relève exclusivement du chef de l’État.
Avant d’être confirmé dans ses fonctions, le candidat désigné doit être auditionné par les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat, conformément à l’article 13 de la Constitution. Ces commissions disposent d’un droit de veto si une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés s’oppose à la nomination. Cette étape constitue un contrôle parlementaire renforcé destiné à éviter des nominations trop politisées ou contestées sur le plan de l’indépendance et de la compétence juridique.
Une fois nommé, le président du Conseil constitutionnel exerce ses fonctions pour une durée de neuf ans, comme les autres membres de l’institution. Toutefois, il ne peut pas être reconduit dans ses fonctions, ce qui vise à garantir l’impartialité et l’autonomie de l’instance. Cette durée de mandat coïncide avec celle des membres ordinaires, renforçant ainsi la stabilité de l’institution.
E.Tutorat : Conseil Constitutionel et Contrôle de Constitutionnalité
Né le 1ᵉʳ juillet 1962 à Rodez, Richard Ferrand débute sa carrière en tant que journaliste avant de s’engager en politique. Membre du Parti socialiste (PS) dès 1980, il est élu conseiller général du Finistère en 1998, puis conseiller régional de Bretagne en 2010. En 2012, il devient député du Finistère et se distingue en tant que rapporteur général de la loi Macron. Proche d’Emmanuel Macron, il rejoint le mouvement En Marche en 2016 en tant que secrétaire général. Après une brève période comme ministre de la Cohésion des territoires en 2017, il est élu président de l’Assemblée nationale en 2018, poste qu’il occupe jusqu’en 2022.
Lors des auditions devant les commissions des lois, Richard Ferrand a été interrogé sur sa proximité avec le président Macron et sur des affaires judiciaires antérieures, notamment l’affaire des Mutuelles de Bretagne. Il a affirmé son indépendance, déclarant : “J’ai toujours été et je reste un homme libre.” Malgré ces assurances, sa nomination a suscité des critiques. Les groupes de gauche et Les Républicains (LR) ont voté majoritairement contre sa nomination. L’abstention du Rassemblement national (RN) a été déterminante, permettant l’approbation de la candidature à une voix près. Cette position a conduit certains responsables politiques, comme Olivier Marleix de LR, à dénoncer un “accord secret” entre le RN et Emmanuel Macron.
En tant que président du Conseil constitutionnel, Richard Ferrand devra trancher sur la conformité des lois votées par le Parlement et des actes pris par le gouvernement. Or, en raison de son rôle passé en tant que stratège du macronisme et acteur clé du quinquennat d’Emmanuel Macron, de nombreux juristes et opposants politiques doutent de sa capacité à faire preuve d’une totale neutralité. Cette nomination intervient à un moment où le Conseil constitutionnel est de plus en plus sollicité sur des sujets politiquement sensibles, notamment les réformes économiques et sociales, les lois sécuritaires et les enjeux relatifs aux libertés publiques. Les décisions à venir, particulièrement celles touchant aux réformes voulues par Emmanuel Macron, seront scrutées avec une suspicion accrue.
Le point juridique : Les fonctions du président du conseil constitutionel
Le président du conseil constitutionel assume une double fonction, à la fois juridictionnelle et institutionnelle :
- Sur le plan juridictionnel, il dirige l’instance chargée du contrôle de constitutionnalité des lois, notamment à travers le contrôle a priori prévu par l’article 61 de la Constitution et le contrôle a posteriori exercé via la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) introduite par la révision constitutionnelle de 2008. Le président est le garant du bon fonctionnement des délibérations, de la régularité des procédures et de la publication des décisions rendues par l’institution. Il joue également un rôle clé dans l’organisation du Conseil en assurant la répartition des dossiers entre les membres et en coordonnant les travaux préparatoires aux décisions. Il peut, de manière exceptionnelle, user de son influence pour orienter certains débats juridiques, bien que les décisions soient prises de manière collégiale. En matière de contentieux électoral, il supervise les recours relatifs aux élections législatives et présidentielles, un pouvoir qui confère au Conseil une place prééminente dans la régulation démocratique.
- D’un point de vue institutionnel, le président du Conseil constitutionnel occupe une position d’interlocuteur auprès des autres institutions de la République. Il entretient des relations avec le président de la République, le Premier ministre et les présidents des assemblées, tout en garantissant l’indépendance et l’impartialité du Conseil. Il peut également être amené à s’exprimer publiquement sur des questions touchant au droit constitutionnel et à la jurisprudence de l’institution.
Un autre point de contestation repose sur les démêlés judiciaires de Richard Ferrand. Il avait été mis en examen en 2019 dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne, une affaire de prise illégale d’intérêts portant sur une transaction immobilière réalisée lorsqu’il dirigeait cette mutuelle. Même si la procédure s’est soldée par un non-lieu en 2023, cette affaire continue d’alimenter les critiques. Certains estiment que la nomination d’une personnalité ayant fait l’objet d’une procédure judiciaire, même classée sans suite, porte atteinte à l’image du Conseil constitutionnel, dont la mission est de garantir la probité des institutions de la République.
Au-delà du cas Ferrand, cette controverse remet en lumière un débat récurrent sur le mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel et de son président. L’actuel système permet au président de la République de nommer trois membres, tout comme les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, sans qu’un critère strict d’indépendance ou de compétence juridique ne soit exigé. Certains juristes et personnalités politiques militent pour une réforme du mode de désignation afin de renforcer la neutralité du Conseil constitutionnel, en limitant par exemple les nominations politiques ou en soumettant les candidats à un processus de sélection plus rigoureux impliquant une commission indépendante.