Suppression de C8 et NRJ12 de la TNT

Comprendre la Décision Historique du Conseil d’État

Le paysage audiovisuel français s’apprête à connaître un bouleversement majeur. Le 19 février 2025, le Conseil d’État a confirmé la décision de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) de ne pas renouveler les fréquences TNT des chaînes C8 et NRJ12, entraînant ainsi leur disparition du réseau de la télévision numérique terrestre (TNT) dès le 28 février 2025 à minuit. Cette décision historique, qui met fin à l’ère de deux chaînes bien connues du public, est le résultat d’un long bras de fer juridique et d’un débat sur l’éthique et l’évolution de l’offre télévisuelle en France.


La décision de l’Arcom de ne pas renouveler les fréquences de C8 et NRJ12 remonte à juillet 2024. À cette époque, l’instance régulatrice estimait que C8, propriété du groupe Canal+ de Vincent Bolloré, accumulait trop de sanctions pour manquements déontologiques, notamment liés aux polémiques récurrentes autour de l’émission Touche pas à mon poste ! (TPMP), animée par Cyril Hanouna. L’émission a été pointée du doigt à de nombreuses reprises pour des atteintes aux droits fondamentaux, des propos injurieux envers des personnalités publiques et des manquements répétés aux règles du pluralisme. Entre 2021 et 2024, l’Arcom avait infligé plus de 7 millions d’euros d’amendes à la chaîne pour diverses infractions, notamment après l’incident où Hanouna avait insulté un député en direct.


Le point juridique : L'Arcom 

L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) est une autorité publique indépendante (API), créée par la loi du 25 octobre 2021, issue de la fusion du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi).


Elle est chargée de la régulation des médias audiovisuels et du numérique en France, exerçant son contrôle sur la télévision, la radio, les plateformes en ligne et la lutte contre le piratage. Elle attribue et renouvelle les fréquences TNT, contrôle le respect des obligations légales des éditeurs de services audiovisuels et veille au pluralisme politique, à la protection du public et à la lutte contre les contenus illicites.


L’Arcom dispose de pouvoirs de sanction et d’injonction. Elle peut adresser des mises en demeure, infliger des amendes et, en dernier recours, refuser ou retirer l’autorisation d’émettre d’une chaîne, comme ce fut le cas pour C8 et NRJ12, dont les fréquences TNT n’ont pas été renouvelées en raison de manquements répétés à leurs obligations.


Son collège de neuf membres, désigné par plusieurs institutions, assure son indépendance vis-à-vis du gouvernement. Placée sous le contrôle du Conseil d’État, ses décisions peuvent faire l’objet de recours en justice, garantissant un cadre juridique strict à ses interventions dans le paysage audiovisuel français.


 E.Tu​torat : Les Autorités Publiques Indépendantes (prochainement disponible)


Du côté de NRJ12, la situation était différente mais non moins problématique. La chaîne appartenant au groupe NRJ souffrait d’une baisse constante d’audience et d’un manque de renouvellement de sa grille de programmes. Depuis plusieurs années, elle était essentiellement constituée de rediffusions d’émissions de télé-réalité et de séries américaines déjà diffusées ailleurs, ce qui a conduit l’Arcom à juger que la chaîne ne remplissait plus sa mission d’intérêt général ni de diversité audiovisuelle.


Lorsque l’Arcom a annoncé en juillet 2024 que ces deux chaînes ne seraient pas retenues pour le renouvellement de leur fréquence TNT, la décision a immédiatement suscité une tempête médiatique et juridique. C8 et NRJ12 ont alors saisi le Conseil d’État pour contester cette décision, arguant qu’elles étaient victimes d’une sanction politique et non réglementaire.


Le 19 février 2025, le Conseil d’État a officiellement rejeté les recours des chaînes C8 et NRJ12, confirmant ainsi la décision de l’Arcom de ne pas renouveler leurs fréquences sur la TNT. Cette décision implique que les deux chaînes cesseront d’émettre sur le réseau hertzien à compter du 28 février 2025 à minuit.  


"Le Conseil d’État juge que l’Arcom n’a pas commis d’illégalité dans son analyse qui l’a amenée à écarter C8 et NRJ12, aussi bien dans l’appréciation qu’elle a portée sur chacun des dossiers que dans la comparaison de leurs mérites.", Décision du 19 Février 2025, CE.


Dans son arrêt, le Conseil d’État a souligné que les critères de renouvellement des fréquences sont basés sur l’intérêt général, la diversité de l’offre audiovisuelle et le respect des obligations légales par les diffuseurs. Concernant C8, la juridiction a noté que la chaîne avait accumulé de multiples sanctions pour des manquements déontologiques, notamment liés à l’émission “Touche pas à mon poste !” animée par Cyril Hanouna. Malgré des avertissements répétés, C8 n’a pas su rectifier ces dérapages. Pour NRJ12, le Conseil d’État a estimé que la chaîne ne proposait plus de contenus justifiant sa présence sur la TNT, sa programmation étant principalement constituée de rediffusions et ses audiences en constante diminution.  


  • L'indépendance du Conseil d'Etat et de l'Arcom remise en question 


Cette annonce a immédiatement suscité des réactions vives. Cyril Hanouna, principal visage de C8, a vivement critiqué cette décision sur les réseaux sociaux, dénonçant une « chasse aux sorcières » et une « décision politique honteuse », mettant en cause l’indépendance de l’Arcom et du Conseil d’État. Il accuse ces institutions de céder aux pressions politiques et de mener une action ciblée contre sa chaîne et son groupe.

Toutefois, l’indépendance du Conseil d’État et de l’Arcom repose sur des principes juridiques stricts garantis par la Constitution et les lois organiques encadrant leur fonctionnement. Le Conseil d’État, en tant que juridiction administrative suprême, agit en toute autonomie et ne peut être soumis à des pressions extérieures, conformément au principe de séparation des pouvoirs et à l’article 64 de la Constitution. Ses membres sont inamovibles et nommés selon des procédures garantissant leur impartialité. 

De son côté, l’Arcom, en tant qu’autorité publique indépendante, exerce ses missions de régulation de l’audiovisuel sans intervention du gouvernement ni d’une quelconque autorité politique. La nomination de ses membres par plusieurs institutions (Présidence de la République, Parlement, juridictions suprêmes) et la limitation de leur mandat à une durée non renouvelable empêchent toute influence extérieure. Les décisions de l’Arcom sont, en outre, soumises au contrôle juridictionnel du Conseil d’État, garantissant un cadre légal rigoureux et impartial.

Ainsi, malgré les critiques formulées par certains acteurs médiatiques, la régulation de l’audiovisuel et la sanction des chaînes sont encadrées par des règles garantissant l’indépendance et la transparence des décisions, sans intervention politique directe. Cette approche vise à assurer un équilibre entre la liberté de communication et le respect des obligations déontologiques des diffuseurs.




Suppression de C8 et NRJ12 de la TNT
Artelis Tutorat 19 février 2025
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